Septembre

Jeudi 6 septembre
Révélateur du laxisme en matière de délinquance routière : l’auteur d’un renversement mortel d’une femme âgée traversant sur un passage piéton écope d’une peine de prison avec sursis et de la SUSPENSION du permis pour un an. Ahurissant : même pas l’annulation ! On le suspend, pour qu’un an après il conduise encore plus mal. Aberration sociale.
Ce jour, le plus chargé de la semaine avec un groupe bruyant de bac pro. Demain, détente avec l’entrevue d’Elo qui a opté pour l’entrée en deuxième année d’IUT.

Dimanche 8 septembre, 1h30
Beau spectacle de la troupe The Best que Bonny a intégrée récemment. La profondeur et le modulé de sa voix prennent une bien plus magistrale qualité qu’au Club 30. Toujours aussi complice, elle téléphone à Eddy à l’entracte pour s’assurer que cela nous plaît. Parmi la troupe d’amis présents, une parcelle familiale : sa fille (adorable enfant de dix ans, d’allure très vive), son frère et l’une de ses sept soeurs.
Ce jour, à 15h40, nous accueillons la belle Violaine qui soutient son mémoire à Lyon lundi. Occasion de retrouver cette complice d’Arles. Le tissu relationnel va bien.
Oublié de noter notre rencontre du petit ami d’Elo, vendredi. Jeune homme sympathique.

Mercredi 11 septembre, 0h05
Je vous salue Mahomet !
Jour de commémoration du chaos terroriste sur New-York et Was­hington, un an après. Pour moi : achèvement du volume XVIII du Journal littéraire de Léautaud, qui s’arrête cinq jour avant sa mort. Le volume XIX rassemble des pages retrouvées, et se lira beaucoup plus rapidement. Les dernières pages portent tous les stigmates d’une fin proche : dépression, désintérêt pour tout, place croissante des dysfonctionnements physiques, le suicide est même évoqué.

Je suis les divers films documentaires consacrés à l’attaque terroriste sur le WTC. L’horreur renouvelée, transmise par les images, ne peut qu’incliner au respect des victimes des enragés islamistes. Certes, jamais des morts d’innocents n’auront été autant choyés par les médias : les rwandais massacrés, par exemple, n’ont pas bénéficié, sur la durée et dans l’intensité, de cette focalisation. L’identification culturelle et le statut de première puissance pourraient expliquer l’inégalité de traitement. L’inexcusable choix du terrorisme sauvage, avec pour cible des civils de multiples nationalités et religions (y compris musulmane) vaut bien une semaine d’obsession médiatique.
Violaine s’en est allée hier soir. Nous ne l’aurons finalement pas beaucoup vu, mais le peu partagé a été charmant.

Vendredi 13 septembre, train Lyon-Genève, 11h
Hier, découverte avec BB d’un documentaire sur la fascinante destinée de Jean-Claude Roman, illusionniste de quinze années de sa vie pour finir, acculé à la révélation, par massacrer ses proches. Nous sommes tous un peu metteur en scène de notre existence (moi le premier avec ce Journal) face aux autres, mais le trompe l’œil atteint en l’espèce une complexité géniale et se double de détournements répétés d’argent auprès des plus affectivement liés. Il a pu assumer cette diabolique mascarade avec la tension permanente qu’implique une anticipation de tous les instants.
Le rythme professionnel actuel me convient parfaitement (14 heures de cours hebdomadaires à Forpro) et permet de larges plages de temps pour Léautaud. Je dois achever la sélection des citations avant fin décembre (déjà une soixantaine de pages sur Word en mise en page maximale et petits corps de caractère, Times New Roman 10). A partir de janvier 2003 mon cdi débute et le nombre d’heures augmente. Lenteur administrative : toujours aucune réponse à ma demande de prêt interuniversitaire pour une thèse consacrée à Léautaud et soutenue à Paris IV.
Hormis les messages affectifs, Heïm n’a pas relancé concrètement sa nouvelle proposition de publication du Gâchis. Cela devait-il tenir lieu d’appât affectif se dégonflant sitôt mes distances reprises ? Voilà ce qui me gène : pas de vrai rapport d’auteur à éditeur, mais une suite de circonvolutions rhétoriques sans prise avec la réalité. Je n’ai aucune envie de relancer l’affaire, car cela m’obligerait à un rapprochement affectif factice. Le désintérêt pour cet univers s’accroît chaque jour, et ma résolution à en faire état par écrit se renforce.

Samedi 14 septembre, 1h du mat.
Une très agréable soirée avec Shue et John.

Dimanche 15 septembre
Affalé face au lac Léman, sur les hauteurs de Lutry, je profite des rayons radieux pour revigorer mon bronzage estival. Au-delà du farniente, aide intensive pour la correction du cinquième chapitre de la deuxième partie de la thèse de Shue... ouf ! ouf !
Le couple Shue-John va bien, mais pas leurs finances, au point que les cinq mille francs suisses du loyer mensuel deviennent un souci prégnant. Les contrats ne se bousculent pas et, lorsqu’ils se présentent, il faut batailler pour récupérer par tranches les règlements. Shue me fait l’amitié de me confier des éléments très personnels (que je dois me garder de consigner ici) et je retrouve dans certaines réactions psychologiques de John décrites ce qui m’avait miné entre 1993 et 1995, au pire moment de mon parcours éclair de gérant de sociétés. J’espère surtout que cela n’aura aucune répercussion sur la belle harmonie de leur couple.
Toujours gâté comme hôte, les soirées se transcendent avec les plaisirs culinaires, des vins rouges d’Australie qui n’ont rien à envier à nos productions (le Penfolds accompagnant le brie aux truffes et le gruyère vieilli du canton de Vaulx : une merveille !), pour finir avec un Davidoff et un verre de cognac. Autant de circonstances atténuantes pour ma piètre phrase lapidaire de la veille : l’agilité intellectuelle s’est épuisée dans une conversation en anglais sur l’utilité ou pas du mariage comme renforcement du lien entre deux êtres. Les petits carreaux de mon Journal m’ont alors paru bien fades et les bras de Morphée beaucoup plus tentants.
Ces deux derniers soirs, de tendres textos de ma BB : une douceur de plus avant un dodo avec Himiko au pied du lit. Shue me détaille les points positifs de ma relation avec BB : son caractère, son activité et sa gestion de mon rapport aux femmes apparaissent comme un idéal pour moi. Effectivement, je me sens dans une sérénité sentimentale jamais atteinte, sans entrave pour mes relations affectives et amicales.

Samedi 21 septembre, 23h45
Les un an de notre plus grande catastrophe industrielle. Les perturbations psychologiques, au-delà des dégâts corporels, se prolongent encore.
Ce soir, ouverture du JT de TF1 avec ma rue Vauban, à trente mètres de chez moi, là où se situait l’une des deux caches d’armes et d’explosifs de l’ancienne Action directe, et son sanguinaire artificier Max Frérot, dit La Menace. Hier soir, alors qu’on recevait la marraine de BB à dîner, défilé sous les fenêtres de tout ce que l’Etat compte comme forces de sécurité et d’aide : police, gendarmerie, CRS, pompiers, déminage, SAMU...

Dimanche 22 septembre
Journée du patrimoine partagée avec ma douce BB sur les pentes de la Croix rousse, avec une fin de déambulation chez Nardone. La semaine qui vient s’allège un peu plus pour moi, et me permet d’intensifier mon travail de thèse.


Comme je le supputais, les avances éditoriales de Heïm n’ont été suivies d’aucune concrétisation. Au fond, cela m’amuse et me conforte dans ce détachement instinctif qui s’ancre aux tréfonds de moi. L’esbroufe convivialo-affective, où la seule priorité est de faire perdurer les conditions de vie choisies par Heïm, cette « prison dorée » comme il aime à le scander, ne me touche plus. Derrière les constructions diverses et les évolutions matérielles, je ressens la mort par des certitudes gélifiées : les personnages sortis de la vie de Heïm, les Anick, Maddy et Alice notamment, sont diabolisées pour mieux légitimer le reste. Mes gueulantes littéraires contre Alice avaient certainement un peu de cette déviance, même si j’ai été blessé, dans le rapport si affectif (presque intellectuellement sexualisé) qui existait avec elle, de son histoire avec Leborgne.
Peu de temps avant que n’éclate sa résistance ouverte à Heïm, qui fera son chantage au suicide, elle s’était confiée sur ses doutes concernant son père, la tentative de viol de son frère aujourd’hui magistrat disjoncté, et sa rupture avec le fond de cette vie. Finalement, je n’ai fait que suivre le même objectif, mais sans esclandre inutile et auto-destructrice. Il faudra bien qu’un jour le monolithisme de la vie familiale de Heïm soit étalé et scruté avec plus de subtilité sans s’arrêter à la version d’absents qui auraient tous les torts.


 Nous avons notre conflit absurde en Europe : entre catholiques et protestants d’Irlande du Nord la haine semble inextinguible. Gâchis en cascade pour une guéguerre de clans religieux pas plus évoluée que celles de la protohistoire. Si seulement l’irrésistible tendance grégaire de l’homme, sa soumission au collectif, pouvait s’estomper au profit d’un individualisme humaniste et raisonné... Que la route est encore longue pour entrevoir un frémissement de hauteur d’âme chez le matérialiste humanoïde.

Lundi 23 septembre

Nouveau rebondissement dans l’affaire de la publication du Gâchis, qui contredirait mes affirmations grognonnes d’hier. Heïm m’appelle en fin d’après-midi pour m’assurer de sa volonté de le faire paraître dans son entier, et pour me louer la qualité du style. Sa thèse pour justifier les atermoiements éditoriaux : une implication excessive qui lui a fait occulter les données purement littéraires. Le désengagement réciproque favoriserait l’émergence de l’œuvre seule. Les éloges sur ce Journal ne sont pas les premières qu’il me faits, puisqu’il faisait passer les critiques sur son entourage (?). Voilà encore une mixture ambiguë. Enfin, l’essentiel est d’en rester à des rapports auteur-éditeur : il doit m’envoyer dans quelques semaines un contrat d’édition. De là, seule la parution de ce texte, et son dépôt légal, devront nous occuper, sans dérive. Je garde ici ma distance critique, mais je ne vais pas me priver d’une édition sur dix ans de mon existence, réalisée par celui-là même qui a monopolisé mon engagement total économico-juridique. La logique sera respectée et la page de cette tranche de vie résolument tournée. En fait, c’est l’existence officielle de cet instantané littéraire qui m’excite, mais je ne vais pas dévier mes choix existentiels pour autant.

Mardi 24 septembre
Ce soir, en vedette des JT comme ministre de la Santé, Jean-François Mattéi. Cela me rappelle qu’une de mes anciennes aventures parisiennes, photographe qui m’apprit à jouer (lentement) quelques morceaux de Satie, avait été quelques années après sa maîtresse ; le médecin était alors député.

Dimanche 29 septembre
19h35. Ma tendre BB encore au travail, le soleil dominical a disparu. Ma vie lyonnaise comble mes besoins relationnels et mes poussées de solitude.
Elo et son petit ami Jérôme hier soir à dîner, avant une nuit au First, club pour la bourgeoisie lyonnaise. L’amitié affective s’ancre avec Elo, une sympathie vive pour la gentillesse de son compagnon émerge, et ma BB là dans son amour apaisant. Rien à faire, je ne retournerai pas au nord de la Loire...

Lundi 30 septembre
Finalement, je me sentais bien plus à l’étroit au château d’Au, où les seuls moments de répit psychologique se limitaient au neuf mètres carrés de ma chambre, que dans mon antre lyonnaise. A l'aune de soi, c’est bien le titre qu’il me faut pour cette nouvelle trajectoire existentielle.
Lecture finale de la première partie de la thèse de Shue achevée. Je vais lui transmettre mes quelques dizaines de corrections par courriel.
Mon propre travail thésard va pouvoir s’intensifier puisque trois thèses sur Léautaud demandées par prêt interuniversitaire sont disponibles jusqu’au 30 octobre.
Les partis politiques français ont besoin de se relifter avec de grandes couches lyriques plus ou moins puériles. Après la Maison bleue comme projet de dénomination de l’actuelle UMP, Leforestier doit être ravi, voilà pour la gauche la naissance du Nouveau Monde, un remake de Colomb en pays hostile. De là à ce que les uns se passent le oinj pour faire plus cool, et les autres nous proposent de la quincaillerie pour nous séduire, il y a peu...
Un nouveau Spielberg sort mercredi avec Tom Cruise, réflexion sur le futur sécuritaire à la sophistication technologique dangereuse qui nous attend. Demain soir, avec BB et quelques accointances lyonnaises, nous devrions découvrir la palme d’or 2002, Le pianiste.
Hors quelques films, les JT et quelques documentaires, la télévision ne me captive vraiment plus : est-ce moi qui mûrit ou le PAF qui fermente ?
Quelques analyses intéressantes de Marie-Noëlle (une amie récente) sur la personnalité qui transparaît dans les premières pages de mon Journal 2000. Mon rapport aux femmes, dans une quête d’un absolu inatteignable (la fameuse entéléchie féminine) dévoile une désespérance cultivée. Toujours curieux le regard des autres sur soi, et d’autant plus lorsque ce qu’on a écrit sert de prisme intermédiaire.
Je dois laisser le crissement de mon Sheaffer pour le tapotement informatique...

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